Le web a trente ans. Il s’est imposé comme un médium central, au cœur de nos relations sociales, politiques et économiques. La période actuelle (pandémie, confinement) nous en donne chaque jour la preuve la plus évidente. Le projet initial d’un outil d’interconnexion des informations a muté et s’est amplifié démesurément, jusqu’à devenir le contexte dans lequel évoluent les plus grandes puissances économiques et politiques de notre monde. Les dialectiques à l’œuvre dans l’espace du web ont un impact immense sur nos vies, sur la constitution des régimes politiques qui les guident et les contraignent, sur nos relations sociales, économiques, culturelles.

Code is law, le vieil article de Lawrence Lessig fait encore foi. À sa suite, en France comme ailleurs, de nombreux·es auteur·ices alertent sur les enjeux sociaux et politiques de cet espace de vie qu’est le web, sur la toxicité de son évolution, sur l’inflation démesurée de son usage en tant qu’outil de surveillance et de contrôle, sur son impact écologique ou sur les dangers de sa marchandisation infinie. Plus rarement se voient célébrées ses potentialités d’invention, de créativité, de partage ou de dialogue.

Le design, médiateur de ces dialectiques, a un rôle majeur dans l’expression de ces tensions. Il permet d’imaginer les futurs du web et met en œuvre son présent en donnant une forme, une matérialité, un caractère tangible et puissant à ce réseau de liens.

De nombreux·es acteur·ices du champ du design cherchent à intègrer ces questions à leurs pratiques. Des initiatives voient le jour ; des tendances, des recherches, des hypothèses, des réflexions émergent. Elles essaient d’appréhender le bilan énergétique de nos usages, notre soumission aux puissances du marché, le projet universaliste du web et son dévoiement, la complexité des outils, la plateformisation de l’expression, l’évolution des formes comme des usages.

Le web est aujourd’hui un élément fondamental de nos vies. Le design lui donne une forme visible et sensible et des designers en endossent la responsabilité. Les avancées technologiques ouvrent à de plus en plus d’innovations, sur le plan des usages comme des techniques. La prise en compte de l’universalité, inscrite au départ du projet du WWW, est mise à mal par ces logiques “innovantes” induisant l’obsolescence des outils, des interfaces ou des esthétiques. À l’heure de l’avènement des plateformes privées, de la soumission du politique aux enjeux déterminés par ces plateformes, que peut et que doit le designer interactif ? Se soumettre, ignorer ou s’opposer / se radicaliser ?


Radical web design (en référence au terme Responsive Web design 1 ) se propose d’explorer cette question de l’impact social, politique, économique, écologique du design dans le champ du web en s’attachant à la radicalité de certaines approches.

In today’s highly commercialized web of multinational corporations, proprietary applications, read-only devices, search algorithms, Content Management Systems, WYSIWYG editors, and digital publishers, it becomes an increasingly radical act to hand-code and self-publish experimental web art and writing projects.

J.R. Carpenter

Radical web design veut inviter les étudiants de 1er cycle (2e et 3e année Design graphique multimédia) et de 2nd cycle du pôle Nouveaux médias de l’École supérieure d’art et de design des Pyrénées à mettre en œuvre un projet d’adossement à la recherche permettant le développement d’une culture et d’une pratique du webdesign qui soit informée et critique des enjeux explorés.

Il s’agira dans un premier temps pour nous d’aller à la rencontre des acteur·ices du webdesign, de les interroger sur leurs pratiques ou leurs projets, de questionner leurs réponses et d’expérimenter des formes radicales de publication en ligne.

À moyen terme, des projets pédagogiques, une journée d’étude ou des workshops pourront venir appuyer cette démarche. Ce site servira de réceptacle aux expériences, ressources, entretiens ou articles produits lors du projet.

  1. Le terme Responsive web design, aujourd’hui devenu canonique, apparut pour la première fois dans un article paru sur A List Apart. Ethan Marcotte y propose un principe de design web capable s’adapter de manière fluide à toutes les tailles d’écrans. Par extension, cette logique peut s’appliquer à différents contextes, dispositifs, usages, capacités fonctionnelles…